Les morts ont la parole
Lame de fond, Linda Lê, éditions Christian Bourgeois, 2012
Les deux premières phrases de la quatrième de couverture, qui en sont également l'incipit, m'ont immédiatement donné envie de lire ce livre. Allez, je ne vous fais pas languir, les voici : “Je n'ai jamais été bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans mon cercueil, j'ai toute latitude de soliloquer.“ Mon petit côté morbide sans doute. Il faut dire que quand on passe sa vie à la lire au lieu de la vivre, on s'imagine assez bien vivre sa mort en causant ! Le mort de ce livre, Van, cause donc, et il cause beaucoup, et il cause bien. Son registre de langue est un vrai régal ! Rien d'étonnant à cela, il était rédacteur (free-lance). Toute similitude entre le héros de Linda Lê et l'auteure de cette chronique, qui se trouve exercer la même profession, n'est vraisemblablement pas fortuite… Van donc, dont le prénom dénote une origine asiatique qui sera bientôt confirmée, a été renversé et tué sur le coup par une voiture conduite par… sa femme Lou. L'a-t-elle fait intentionnellement ou s'agit-il d'un accident particulièrement malencontreux ? Lou est la première à se torturer l'esprit à ce sujet. Elle aurait eu un motif de s'en prendre à Van. Celui–ci entretenait en effet une relation très particulière avec une certaine Ulma. La véritable victime dans cette histoire, c'est en définitive Laure, la fille de Van et de Lou.
Van, Lou, Ulma et Laure prennent tour à tour la parole, le style s'adaptant à la personnalité de chacun en contribuant par ailleurs à la façonner. Le lecteur apprend à les connaître avec leurs fêlures et découvre tout ce qui a précédé l'accident. Linda Lê entretient un habile suspense jusqu'à la révélation finale, qui vient titiller la bien-pensance qui sommeille plus ou moins profondément en chacun d'entre nous. Mais ça, ce n'est plus l'affaire de l'auteure !