On a tous en nous quelque chose de Charles de Gaulle

130e anniversaire de sa naissance, 80e anniversaire de l’appel du 18 juin, 50e anniversaire de sa disparition… 2020, c’était couru d’avance, serait l’année de Gaulle. Ce qui n’était pas prévu en revanche, c’est qu’un virus inconnu au bataillon viendrait mettre la chienlit dans le programme de commémorations qui promettaient d’être au moins à la hauteur de la reconnaissance vouée par la patrie au grand homme.

Escamotées, confidentielles, les cérémonies officielles, qui ont eu lieu, tenaient parfois du service minimum de France Télévisions lors d’un mouvement social de certaines catégories de son personnel ! Mais peut-être n’en ont-elles été finalement que plus décentes et plus respectueuses de la personnalité de l’homme du 18 Juin qui, faut-il le rappeler, s’était fermement opposé de son vivant à ce qu’on lui organisât des obsèques nationales.

1024px Generaal De Gaulle Bestanddeelnr 909 5671Charles de Gaulle ayant été mon tout premier président, comment résister à la tentation d’y aller, moi aussi, de mes souvenirs même si, née en 1964, je n’étais pas bien vieille à l’époque. L’image que je garde de lui se confond avec celle alors en noir et blanc de la télévision. C’est celle d’un très vieux monsieur dont la gestuelle me faisait penser à ces pantins articulés à qui une ficelle permet de lever les bras. S’exprimait-il qu’il le faisait de la grosse voix des grandes personnes s’adressant à un enfant qui avait fait une bêtise. L’auditoire ne semblait toutefois pas s’en formaliser. Au contraire, à peine avait-il cessé de parler et avait-il levé les bras qu’une vague de « Vive de Gaulle ! » déferlait. Enthousiasmée, ma petite sœur Sandrine levait alors elle aussi les bras et s’écriait « [golo], [golo] » avant d’éclater de rire.

Croix de Lorraine Ainsi qu’il l’avait annoncé lors d’une conférence de presse1 d’anthologie, l’inventeur de la Ve République n’a pas manqué de mourir. Colombey-les-deux-Eglises ne se trouvant pas très loin de la ville où j’ai grandi, le petit village où est enterré le grand Charles est bientôt devenu l’un des buts d’excursions proposés par mes parents aux amis ou membres de la famille de passage à la maison. Lorsque nous nous y rendions, mes sœurs et moi guettions l’apparition à l’horizon de l’immense2 croix de Lorraine au pied de laquelle nous demeurions de looooongues minutes en silence… Dirigeant mon regard vers le sommet du monument, il me semblait le voir osciller et je n’avais qu’une peur c’est qu’il ne finisse un beau jour, tel le chêne de la fable sous les coups de boutoir « du plus terrible des enfants que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs »3, par nous tomber dessus. Second site4 incontournable : le cimetière de Colombey et la tombe de marbre blanc devant laquelle nous stationnions à nouveau en silence, silence durant lequel je me suis souvent fait la réflexion que de Gaulle devait vraiment avoir été un homme très très grand pour avoir droit à une tombe tellement plus imposante que celle des autres morts.

J’avais hâte que ces séances se terminent mais quelque chose me disait qu’il aurait été très mal venu d’en faire état en soupirant d’ennui ou en hasardant un « C’est quand qu’on s’en va ? ». Imprégnation culturelle, imaginaire et inconscient collectifs avaient déjà bien préparé le terrain au système éducatif républicain auquel est assigné le rôle de transmettre aux « chères têtes blondes » roman national, génie de la France et autre « devoir de mémoire ». A la fin de ma scolarité, je n’avais ainsi pas seulement le bac en poche mais aussi « une certaine idée de la France ». Du général de Gaulle en revanche, je n’avais guère entendu parler même s’il était originellement prévu qu’il croisât ma route à la fin du programme d’histoire de 3e et de terminale, programmes que nous n’avons évidemment jamais bouclés. Mon profond intérêt pour l’histoire et la politique ainsi que mon parcours professionnel m’ont néanmoins permis de combler un certain nombre de lacunes, les commémorations, qui se sont succédé au fil des années, constituant en outre d’excellentes occasions de mettre un peu d’ordre dans les connaissances accumulées.

Ces dernières semaines, j’ai donc suivi assidûment les hommages rendus par la France à celui à qui elle doit en grande partie d’être aujourd’hui ce qu’elle est. Le ton grandiloquent voire franchement hagiographique de certains discours, témoignages ou documentaires m’a, une fois de plus, mise mal à l’aise. Je n’ai pas besoin de chercher bien loin l’origine de ce sentiment : depuis plus de trente ans, je vis dans un pays, l’Allemagne, dont les ressortissants ne brandissent pas leur nationalité comme un étendard et entretiennent – et pour cause ! – une relation totalement dépassionnée à leurs dirigeants. Le comportement de la très grande majorité des responsables politiques est à l’avenant. Quand on sait que la chancellerie fédérale a été ou est encore surnommée Elefantenklo ("toilettes pour éléphants") ou Waschmaschine ("machine à laver"), force est de constater qu’on est vraiment à mille lieues des « ors de la République ». Lorsqu’on est originaire de France, on a un peu de mal à s’y faire au début. Mais comme on se rend très vite compte que l’Allemagne ne s’en porte pas plus mal (!), on en vient même à se demander si la France ne serait pas bien avisée de s’inspirer de cet exemple – j’ai failli écrire « modèle » – en laissant enfin de Gaulle, 50 ans après sa mort et sans que cela ne lui retire aucun mérite, reposer en paix…

1 Conférence de presse du 4 février 1965

2 Près de 45 mètres

3 Le chêne et le roseau, Jean de La Fontaine, Fables, 1668

4 La Boisserie, la résidence de la famille de Gaulle a été ouverte à la visite en 1980 et le Mémorial Charles de Gaulle a ouvert ses portes en 2008.

Marie-Odile Buchschmid
Birkenweg 14
82291 Mammendorf

marie-odile.buchschmid@t-online.de
www.moenmots.de
Linkedin

Newsletter Abonnement

Bitte geben Sie Ihre E-Mail-Adresse ein und klicken Sie anschließend auf Newsletter abonnieren.
* Mit der Anmeldung zum Erhalt des Newsletters akzeptiere ich die Datenschutzbestimmungen und erkläre mich einverstanden, dass moenmots.de mir per E-Mail Informationen zusendet. Die Einwilligung zum Bezug des Newsletters kann jederzeit mit Wirkung für die Zukunft widerrufen werden. Hinweis: Sie können Ihre Einwilligung jederzeit für die Zukunft per E-Mail an marie-odile.buchschmid@t-online.de widerrufen. Detaillierte Informationen zum Umgang mit Nutzerdaten finden Sie in meiner Datenschutzerklärung.
Please wait
Wir benutzen Cookies

Wir nutzen Cookies auf unserer Website. Einige von ihnen sind essenziell für den Betrieb der Seite, während andere uns helfen, diese Website und die Nutzererfahrung zu verbessern (Tracking Cookies). Sie können selbst entscheiden, ob Sie die Cookies zulassen möchten. Bitte beachten Sie, dass bei einer Ablehnung womöglich nicht mehr alle Funktionalitäten der Seite zur Verfügung stehen.