Covid-19 obligeant, les commémorations sont reléguées au second plan…

Accords dEvianAinsi en alla-t-il la semaine passée, par exemple, du jour anniversaire des Accords d’Evian signés le 18 mars 1962, qui « reconnaissaient l’indépendance algérienne liée au cessez-le-feu en Algérie (19 mars) et précisaient les conditions du référendum d’autodétermination (qui eut lieu le 1er juillet 1962). »1

1 Le Petit Robert des noms propres, édition 2016

Il se trouve que j’ai consacré, il y a quelques années de cela, un texte à la guerre d’Algérie. C’était à l’occasion de la présentation par Laurent Mauvignier, à la Literaturhaus de Munich, de son roman Des Hommes (deutscher Titel: Die Wunde, dtv premium, 2011). Je vous propose donc d’embarquer sous ma guidée dans la machine à remonter le temps pour un voyage dont vous reviendrez avec une idée de lecture qui plus est !

 

Entre 1954 et 1962, plus de 1 200 000 Français sont partis « jouer les petits soldats » en Algérie. Certains deviendront célèbres, tel le chanteur Serge Lama. La citation précédente est d’ailleurs empruntée à la chanson intitulée L’Algériecliquez sur le titre de la chanson pour l’écouter – qu’il consacra en 1975 à cette période de sa vie. Parmi les appelés se trouvait aussi le père de l’écrivain Laurent Mauvignier ou celui de l’auteure de ces lignes.

Après la signature et l’entrée en vigueur des accords d’Évian (18-19 mars 1962), par lesquels la France reconnaissait l’indépendance de celle qui ne serait plus désormais que son ancienne colonie, les combattants – près de 25 000 d’entre eux trouvèrent la mort – qui ne revenaient même pas en héros, reprirent tant bien que mal le cours d’une existence que la décision d’envoyer le contingent ramener l’ordre de l’autre côté de la Méditerranée avait interrompu. Dans leurs bagages, des photos en noir et blanc auxquelles les années donneraient la teinte sépia d’un passé si lointain qu’il en semble presque irréel.
Lors de rencontres entre anciens d’Algérie, les clichés ressortiraient des albums ou des boîtes à chaussures. À nous leurs enfants, curieux d’en apprendre davantage sur le pays où nos pères avaient séjourné jusqu’à deux ans (parfois plus longtemps encore), ils raconteraient des anecdotes : « Pendant que j’étais là-bas, il y a même eu un tremblement de terre. Tu vois, je suis l’homme qui a fait trembler l’Algérie ! ». Ils diraient également qu’il faisait chaud là-bas, qu’il ne pleuvait presque jamais et qu’il y poussait des palmiers… Mais sur ce qui s’était passé au « club Bled », ce qu’ils allaient faire là-bas, pas un mot !

La génération, née entre le milieu des années 60 et celui des années 70, grandirait donc sans réponses, écartelée entre ce qu’elle imaginait que pouvait dissimuler le silence paternel, lourd de signification, et l’impression laissée par les photos, celle de longues vacances. Et il ne fallait pas compter sur l’école pour expliquer quoi que ce soit. Ce qui s’était passé en Algérie, généralement relégué à la fin des manuels d’histoire, n’étant pas abordé puisque l’on n’arrivait jamais à « boucler le programme » !

Lors des nombreuses interviews ou séances de signatures qui suivirent la sortie, en 2009 (2011 pour l’édition de poche), de son roman Des hommes, Laurent Mauvignier endossa, quoiqu’il en eût, le rôle de porte-parole à la fois des anciens d’Algérie et de leurs enfants, mettant des mots sur ce que les premiers avaient vécu et donnant enfin des réponses aux seconds.

Le besoin de savoir était devenu presque obsessionnel chez l’écrivain, surtout depuis le suicide de son père en 1983 – il était lui-même alors âgé de 16 ans. Mauvignier se refuse à attribuer l’entière responsabilité de cette tragédie au seul traumatisme algérien. Il reconnaît toutefois que celle-ci fait partie des raisons l’ayant amené à écrire Des hommes.

L’écrivain n’a pas manqué de sources entre les nombreux sites nostalgiques des pieds-noirs qui l’ont aidé à faire revivre l’Algérie française, l’ouvrage de Jean-Charles Jauffret sur la vie quotidienne des soldats* ou encore le film de Bertrand Tavernier, La Guerre sans nom (1992). Le titre de ce documentaire, mention spéciale au festival de Bergame en 1992, renvoyant au fait que « les événements d’Algérie », comme on les appelait, ne furent reconnus comme une guerre qu’en 1999 – les anciens d’Algérie furent considérés comme des anciens combattants en 1974 seulement. La longue (quatre heures !) succession de témoignages d’hommes « revenus meurtris, abîmés » (dixit Tavernier) connut un grand succès et contribua grandement à rappeler que toutes les blessures ne sont pas visibles et que l’on peut avoir survécu à un conflit, ne pas être mort au champ « d’horreur » et néanmoins compter parmi les victimes de la guerre. Le roman de Laurent Mauvignier œuvre aussi en ce sens.

Le sujet le touchant de très près, l’auteur ne cesse de rappeler depuis sa parution que Des hommes n’en reste pas moins une fiction. Et si le fait qu’un roman figure parmi les ouvrages sélectionnés pour le Prix Goncourt ne signifie pas forcément qu’il s’agisse d’un « bon livre », dans le cas de Mauvignier le jury a vraiment fait preuve en 2010 de… clairvoyance !

*Jean-Charles Jauffret, Soldats en Algérie 1954-1962 – Expériences contrastées des hommes du contingent, Éditions Autrement, 2000.

Marie-Odile Buchschmid
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