Où l'on découvre que le football est plus qu'un jeu
Samedi dernier, j'ai regardé non contrainte et non forcée la finale de la Ligue des Champions, un match qui opposait le Borussia Dortmund au FC Bayern, autant dire un règlement de compte à l'amiable entre la Prusse et la Bavière. Borussia, je l'ai appris à cette occasion, désignerait la Prusse en bas-latin et nul n'est besoin d'être un fin connaisseur de l'histoire de la Bavière pour savoir qu'elle veille de tout temps à ce qu'on n'oublie pas que “les pendules n'y donnent pas forcément l'heure de Berlin !“ (Dans le texte, cela donne “In Bayern gehen die Uhren anders“ ou encore “mir sand mir“ (nous, c'est nous).
J'ai commencé à m'intéresser au football en 1998 comme beaucoup de soi-disant intellectuels. 1998 ? Oui, l'époque où la France a échangé le bleu-blanc-rouge contre le black-blanc-beur et où ce sport a pu laisser croire que “notre“ pays, redevenu “un et indivisible“, concrétisait enfin les idéaux généreux des révolutionnaires et ce, par la grâce d'un ballon. On a vu depuis que les surlendemains de lendemains qui chantent, on se réveille avec une sacrée gueule de bois ! Cela étant, je garde présentes à l'esprit depuis cette époque quelques lignes de Paul Auster, publiées dans le numéro 477-478 de Courrier international et que je soumets volontiers à votre réflexion : “Heureusement, la paix a régné entre les grands pays européens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cela ne veut pas dire qu'ils s'aiment plus qu'avant, ni que le carnage a cessé partout. Mais, pour une fois, il semble que la grande majorité des Européens ait trouvé le moyen de se haïr sans se tailler mutuellement en pièces. Ce miracle a pour nom “football“.“
Et voilà comment une soi-disant intellectuelle peut regarder un match de foot et continuer de se regarder dans la glace sans déchoir de son propre piédestal ! D'autant que l'Européenne que je suis aussi s'y retrouve. Si l'on considère l'équipe du FC Bayern, sur laquelle je jette un regard un peu plus attentif, 24 ans d'enracinement munichois obligeant, que constate-t-on ? Ribéry – charité bien ordonnée… – : Français, Robben : Hollandais, Alaba : Autrichien, Van Buyten : Belge, Mandzukic : Croate, Martinez : Espagnol… Si l'Europe économique se déchire, si l'Europe politique semble vouée à un séjour prolongé dans le tiroir aux utopies, l'Europe sportive elle semble tourner au moins aussi rond que son ballon !