Ressaisissons-nous !

Où l’on reparle de Michel Houellebecq…

Il se pourrait bien qu’à l’image des plaisanteries, les comptes rendus de lecture les plus courts soient les meilleurs. C’est du moins ce que j’ai pensé en entendant Olivier Mazerolle présenter, lundi dernier dans la matinale de RTL, Soumission, le dernier opus commis par Michel Houellebecq. « Soumission, le dernier livre de Michel Houellebecq, est un best-seller européen », a déclaré le journaliste, « parce qu’il est plausible. Il relate l’islamisation de notre société parce qu’elle est vide de sens. Eh bien, c’est un appel au ressaisissement. »*

Vu le buzz médiatique suscité par la parution de l’ouvrage, quel bonheur d’entendre enfin un commentaire dépassionné de ce roman.

Je ne pensais pas lire Soumission tout de suite. Mais le lien troublant qui s’est établi entre la sortie du livre et l’attentat contre Charlie Hebdo, intervenus tous deux faut-il le rappeler le même jour, a fait pour moi de la lecture du premier une urgence absolue. Il me fallait absolument voir si tout ce que l’on racontait depuis une bonne quinzaine de jours correspondait à ce que MH avait écrit.

 

Alors j’ai lu, j'ai vu et fus déçue. D’emblée, Soumission m’a en effet semblé moins bon que La Carte et le Territoire (éditions Flammarion, prix Goncourt 2010). Même si le début m’a permis de réactualiser les souvenirs pas vraiment impérissables laissés par la lecture durant mes études de deux ou trois romans de Karl-Joris Huysmans, MH n’enfile pas moins les poncifs comme d’autres les perles. Quand il se récrie par exemple à travers François, son personnage principal, sur la relation incomparable qui peut exister entre le lecteur d’un livre et son auteur et que seule la littérature serait à même d’engendrer, ou encore quand il fait prendre conscience au même François que l’on n’est jamais aussi libre que pendant ses études, période de la vie où l’on peut se consacrer à temps complet à un domaine que l’on a choisi et pendant laquelle la société vous fiche une paix royale. L’ironie, néanmoins présente et en particulier dans les portraits tirés (à bout portant) des hommes politiques, est nettement moins mordante, moins décapante que d’habitude. L’adjectif bâclé m’a durant la lecture plusieurs fois effleuré l’esprit pour qualifier cet ouvrage. Je me suis refusée à aller jusque-là. Pas de critique éreintante sous ma plume me suis-je juré le jour où j’ai commencé à rédiger des recensions pour le magazine Ecoute. A bâclé, j’ai donc préféré non abouti. Je me suis demandé si le coup de vieux que l’auteur avait fait prendre à son personnage principal – que l’on prend plus que jamais pour son avatar au vu des photos de MH qui ont circulé dans les médias – n’aurait pas rejailli non seulement sur lui mais aussi sur son écriture. Et là, je ne parle pas du style proprement dit dont on sait que MH ne fait pas grand cas. Antihéros par excellence, le pauvre François est en effet plutôt mal en point, accablé de maux divers et variés dont aucun n’est épargné au lecteur, des hémorroïdes aux ratés de sa sexualité. Sa virilité est en berne moins au propre d’ailleurs qu’au figuré. Le plaisir est de plus en plus souvent aux abonnés absents. Un personnage houellebecquien qui peine à jouir, l’heure est grave !

Qu’un écrivain livre un roman faiblard par rapport au reste de son œuvre, ce sont des choses qui arrivent. Mais ne pouvant me satisfaire de cette explication, je me suis dit que je devais être passée à côté de quelque chose.
Je me suis donc documentée, assistant par exemple à la Literaturhaus (= maison de la littérature) de Munich à une discussion entre universitaires, dont un spécialiste musulman de littérature arabe. J’ai également visionné des interviews de l’écrivain par des médias français mais aussi allemands. Lorsque quelque chose fait polémique en France, c’est toujours très instructif de voir ce que l’on en dit à l’étranger, en Allemagne en l’occurrence. Cela me permet en tout cas de prendre le recul que je ne parviendrais jamais à avoir en me contentant de la manière dont tel fait ou événement est vécu dans l’Hexagone. Confronter la vision qu’on en a de part et d’autre du Rhin me permet d’acquérir, par rapport aux Français de France forcément plus « ethnocentrés », une certaine objectivité.

Face aux journalistes allemands, MH renonce à la posture provocatrice qu’il adopte quasi systématiquement dans les médias français. Il est vrai que les Allemands qui le lisent – d’après Libération (10 février 2015), Soumission a été tiré à 270 000 exemplaires en Allemagne – le considèrent pour la plupart comme l’un des plus grands écrivains contemporains français. Ici, le roman n’est jugé ni raciste ni islamophobe. L’auteur est du reste le premier à l’affirmer qui n’a cessé de dire qu’il était assez peu vraisemblable que la France se retrouve dans un si proche avenir avec un président musulman. Pour la bonne raison selon lui que cela demanderait un rassemblement des musulmans de France sous-entendant une homogénéité de cette composante de la population. Sans compter que, toujours selon lui, les musulmans sont loin de peser si lourd dans l’électorat. Houellebecq répète que la partie la plus inquiétante de son livre n’est pas celle qui commence avec l’accession au pouvoir du président Ben Abbes. Une accession qui du reste ne résulte nullement d’un coup d’État. Il est élu démocratiquement, dans le plus profond respect des institutions de la Ve République qu’il continue de respecter une fois à la tête du pays. Ainsi n’impose-t-il pas le retour au foyer aux femmes mais augmente considérablement les prestations sociales ce qui rend le statut de femme au foyer plus enviable qu’il ne l’a jamais été et incite nombre d’entre elles à renoncer à leur activité professionnelle. La baisse du nombre de chômeurs qui s’ensuit relève cela étant de la même logique purement comptable qui a conduit en son temps à l’instauration des 35 heures. Il n’est en outre pas nécessaire d’avoir lu le Coran pour se rendre compte que l’islam, dont il est question dans ce qui est, ne l’oublions pas, avant tout un roman, est extrêmement caricatural (cf. la polygamie et l’attrait qu’elle exerce sur les mâles français de souche). Ce livre est répétons-le à prendre pour ce qu’il est : un ouvrage de fiction et non un essai politique ou sociologique.

Ce qui selon Houellebecq devrait faire peur dans son livre, c’est la première partie, celle que j’ai jugée décevante et que les universitaires conviés à la Maison de la Littérature de Munich ont vu comme la peinture de la situation dans laquelle se trouve la France. À savoir : l’éclat de la splendeur de ce pays, qui il n’y a pas si longtemps voyait la plage sous les pavés de ses rues, s’est terni ; sa classe politique a perdu toute crédibilité, mais trop occupée d’elle-même ne s’en rend même pas compte. Et pendant ce temps, le Front national progresse. Une interprétation qui a pour conséquence de sauver le soldat Houellebecq et à laquelle j’aimerais ne pas être tentée de me rallier…

Que reste-t-il de l’engouement suscité par la publication d’Indignez-vous ! de Stéphane Hessel en 2010. Stéphane Hessel qui constatait que « les sociétés sont perdues, se demandent comment faire pour s'en sortir et cherchent un sens à l'aventure humaine ».

*Olivier Mazerolle, L’Opportunité de célébrer une renaissance française dans l’émission “On n’est pas forcément d’accord“, RTL, 16 février 2015

Marie-Odile Buchschmid
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