Et si on dépoussiérait les classiques ?

C’est ce que fait Nathalie Azoulai dans son dernier livre, Titus n’aimait pas Bérénice, paru en septembre 2015 chez POL et couronné dans la foulée par l’un des innombrables – quelque 2 000 quand même ! – prix littéraires français. Créé en 1958, le Prix Médicis, puisque c’est de lui qu’il s’agit, se proposait alors dans la mouvance du Nouveau Roman de « sauver les livres de la décadence des autres prix et récompenser la qualité d’un style », rien de moins. Apparentées aux bonnes résolutions que l’on prend en début d’année et qui ne survivent généralement pas à l’arrivée du printemps, les bonnes intentions, elles, ne résistent guère à l’épreuve des faits et autres impératifs commerciaux. Bientôt rentré dans le rang, le jury du Médicis aurait-il à l’automne dernier cherché à renouer avec ses critères originels d’attribution en distinguant une auteure qui n’est pas précisément une familière des listes de bestsellers ?

 

Le sujet du livre ? Une idylle entre un Titus et une Bérénice modernes qui tourne mal pour cette dernière puisque l’homme, qu’elle aime, la quitte pour retourner chez son épouse et mère de ses enfants. Anéantie, Bérénice va se reconstruire grâce à Racine dans l’œuvre duquel elle se replonge. Au risque de s’y noyer ?
Eh bien non, justement, car ce roman, qui n’est pas une biographie hagiographique du dramaturge, n’est autre qu’une réincarnation au sens propre de Racine, qui fut aussi un homme terriblement humain en proie aux interrogations, doutes, aspirations, conflits intérieurs… Réincarnation doublée de l’évocation de l’émergence de l’auteur qui réinventa le genre de la tragédie, du lent cheminement linguistique qui fut le sien et des frustrations qui sans relâche l’accompagnèrent jusqu’à l’aboutissement dont témoignent les œuvres qu’il nous a laissées.

Autant dire que le Racine de chair et de sang que l’on découvre au fil des pages n’a rien à voir avec le vieux barbon – et barbant – que j’avais lu, contrainte et forcée, au lycée. De mon temps – j’ai l’âge requis désormais, snif ! –, Racine était au programme de français de seconde.
Nous étudiâmes Bérénice, tragédie qui donne son nom et sa raison d’être au roman d’Azoulai et qu’une fois le livre de celle-ci refermé, je suis allée rechercher. Autant dire que j’ai dû commencer par dépoussiérer au sens propre – enfin si je puis dire – le mince opus Larousse que depuis mon année de seconde je n’avais guère eu en mains qu’à l’occasion de mes divers déménagements. Fatalité qui résultait sans aucun doute du manque d’enthousiasme pédagogique de mon prof de français conjugué au décalage linguistique entre notre langue et celle de Racine – ça n’a pas dû s’arranger depuis ! –, à la méconnaissance des contraintes pesant à l’époque sur les auteurs – une pièce, que le roi ne goûtait pas, était vouée à l’échec – et aussi sans aucun doute à notre jeune âge.
En effet, l’enseignement scolaire de la littérature se débat depuis l’origine contre des contradictions de nature à le rendre vain : les œuvres sont présentées à un public captif, ne possédant dans sa grande majorité pas la maturité émotionnelle ou les références socioculturelles requises, mais disposant a priori de plus de temps à consacrer à la lecture qu’il n’en aura jamais par la suite… Autant dire la quadrature du cercle !

Peut-être aurait-il été plus sage de nous faire aborder l’étude de la littérature française en commençant par le XXe siècle, le nôtre – les CV ne sont-ils pas devenus antéchronologiques – ? De replacer l’œuvre dans le contexte social, politique, culturel de l’époque – vive l’interdisciplinarité ! – ? De nous emmener au théâtre et de nous offrir comme guides des comédiens qui nous auraient montré comment ils ressentaient, s’appropriaient le texte – Racine a écrit pour être joué sur une scène et non déchiffré, ânonné en classe ! – ? De nous expliquer le ressort de la pièce en termes de notre époque ? Etc.
François Hollande en Titus, Valérie Trierweiler en Bérénice…, c’est la rigolade assurée, la remontée en flèche de la popularité du prof à qui ses élèves diraient peut-être : « Merci pour ce moment » !

Vous avez, comme moi, lu nombre de livres trop tôt ? Alors, reprenez-les, redonnez-leur et surtout redonnez-vous une chance ! La peste soit des bibliothèques-cimetières !

Marie-Odile Buchschmid
Birkenweg 14
82291 Mammendorf

marie-odile.buchschmid@t-online.de
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