La Relieuse du gué
Anne Delaflotte Mehdevi, éditions Gaïa, 2008
Mathilde a renoncé à une carrière dans la diplomatie pour vivre (de) sa passion, la reliure, un art que son grand-père lui a transmis. Elle s'est installée dans un petit village de Dordogne, où elle a ouvert un atelier de reliure dans une rue traversée par le gué qui donne son nom au roman. Elle a sympathisé avec les artisans dont les boutiques entourent la sienne et notamment avec un boulanger, qui depuis lui apporte chaque matin des chouquettes en échange d'un café. Son existence s'écoule tel un petit fleuve tranquille. Elle espère juste avoir bientôt plus de commandes, ce changement de vie ayant englouti toutes ses économies…
Elle se lève un matin un peu moins bien dans sa peau qu'à l'accoutumée. Elle attribue son humeur par trop nostalgique au vent et à la pluie qui se déchaînent ce jour-là. Il est très tôt encore ; elle s'apprête à se mettre au travail lorsque quelqu'un frappe et si vigoureusement qu'elle en éprouve presque de la peur. Déverrouillant la porte, elle se trouve face à un fort bel homme de carrure imposante. Ce dernier pénètre dans l'atelier, il émane de sa personne un parfum boisé si prononcé que Mathilde a l'impression que l'inconnu ne peut qu'avoir passé la nuit dans la forêt.
Il s'agit d'un client qui voudrait faire relier un magnifique ouvrage, aussi peu ordinaire qu'il l'est lui-même. Il lui dit qu'il viendra le rechercher le samedi suivant, verse 100 € d'arrhes et disparaît, sans même laisser ses coordonnées, aussi brutalement qu'il est apparu. La relieuse ne fait alors plus que penser à ce personnage si atypique, si séduisant ; elle se moque d'elle-même en constatant qu'elle se sent comme “amoureuse“. Son ami, le boulanger, remarque aussitôt son trouble. En apprenant la raison, il lui promet d'ouvrir l'œil et de tendre l'oreille ainsi que de lui faire part de tout ce qu'il pourra récolter comme informations.
Il tient très vite parole et ce qu'il lui raconte est de nature à mettre un terme définitif aux douces rêveries auxquelles elle avait commencé à s'adonner : l'inconnu a été renversé par un véhicule et est mort sur le coup. L'histoire ne saurait cependant s'arrêter là. Pour la bonne raison que l'annonce du décès du bel inconnu intervient à la page 52 du roman, qui en compte 244, mais aussi parce que si son propriétaire n'est plus, le livre, lui, est encore là. Lors de sa restauration, Mathilde va en effet découvrir que l'ouvrage recèle bien plus que de superbes aquarelles…
Un récit superbement mené et servi par un style aussi délicat que les gestes de la relieuse du gué !