Lu et apprécié
Les écrivains, qui font relire leurs manuscrits par un correcteur, avant de le remettre à leur éditeur, sont sans doute plus nombreux qu’on ne le pense. Ceux qui le disent ouvertement ne sont en revanche pas légion. Au rang de ces derniers, David Foenkinos pour qui « un texte, avant d’être publié, est un terrain modifiable à l’infini. Tout est tout le temps remis en question. L’auteur est en état de fragilité. N’importe qui peut avoir une opinion sur un texte, une phrase. Mais les avis utiles sont rares et [celui de ma correctrice] en fait partie. Même si je ne suis pas d’accord avec chacune de [s]es propositions, elles m’interpellent toujours et j’estime [s]on point de vue. C’est pourquoi je ne publie pas un roman sans qu[’elle] l’ai[t] lu avant, pour ajuster la langue, traquer les incohérences, mais aussi avoir [s]on sentiment sur ce qu[’elle aime] et ce qu[’elle aime] moins. »
Cet hommage rendu par l’un des romanciers favoris des Français(es) à Muriel Gilbert, sa correctrice, figure dans le livre que celle-ci vient de publier. Titre, sous-titre et couverture annoncent clairement la couleur : il ne s’agit pas du réquisitoire larmoyant d’une professionnelle frustrée en manque de reconnaissance. Bien au contraire ! Le plaisir que l’auteure a pris à l’écriture de cet ouvrage est manifeste et… contagieux ! C’est en effet le sourire aux lèvres que l’on découvre le parcours quasiment picaresque de la « dompteuse de mots ».
Au bonheur des fautes ne se contente pas de faire passer un bon moment. Sa lecture est également très instructive. Ainsi apprend-on en quoi consiste précisément cette profession dont certains lecteurs n’avaient peut-être jamais soupçonné l’existence et dont l’apparition est antérieure à celle de l’imprimerie. Son histoire est indissociable de celle de la langue française et en particulier de celle de l’orthographe, dont la fixation remonte au milieu du XIXe siècle. A aucun moment, le ton de Muriel Gilbert ne se fait pontifiant. Correctrice au journal Le Monde, elle n’est pas économe d’anecdotes plus cocasses les une que les autres et ne laisse jamais passer l’occasion de faire partager des procédés mnémotechniques dont elle n’hésite pas à confier qu’elle est la première à les utiliser afin de venir à bout des nombreuses bizarreries, règles parfaitement arbitraires et autres exceptions auxquelles le français doit certes sa réputation de difficulté, mais aussi… son charme.
Au bonheur des fautes – Confessions d’une dompteuse de mots, Muriel Gilbert, La Librairie Vuibert, 2017, ISBN 978-2-311-10154-6