Pas très catholique tout ça !

Lors de son face à face télévisuel du mois d’avril avec des Français triés – à n’en pas douter – sur le volet, François Hollande avait constaté le ralentissement de la progression de la courbe du chômage tandis que nous, nous pouvions constater que ce procrastinateur devant l’Éternel avait peut-être enfin décidé de faire ses devoirs en s’attelant à la réalisation de son objectif majeur. Quoi qu’il en soit, l’Insee* annonçait le 18 août dernier, ô miracle, la baisse du taux dudit chômage de 0,3 point au deuxième trimestre et à 9,6 % de la population active, meilleur résultat depuis fin 2012.

Impossible toutefois pour le président de la République de se réjouir ouvertement sous peine de voir l’enthousiasme, légitimement engendré par la conscience du devoir accompli, aussitôt froidement douché par le rappel de la polémique du moment.

Pour ceux qui, absorbés dans la contemplation de leurs doigts de pieds en éventail, n’en connaîtraient plus ni les tenants ni les aboutissants, je rappelle qu’elle est née de la verbalisation sur une plage niçoise d’une femme arborant non un “burkini“, mais un « simple » voile. Jusqu’à maintenant nous avions le tube de l’été, 2016 innove avec le tollé de l’été.

Grâces soient rendues au Conseil d’Etat pour avoir su faire par sa décision du 26 août – invalidation d’un arrêté municipal interdisant le port du “burkini“ sur la plage – ce que tout le monde aurait dû : raison garder. En lieu et place de quoi, les défenseurs autoproclamés de la laïcité ont déclaré la patrie en danger et auraient sans nul doute réclamé à cor et à cri l’instauration de l’état d’urgence si celui-ci n’était déjà en vigueur.

Ainsi que je l’indiquais dans ma chronique du 21 décembre 2014, l’attachement aussi farouche que soudain de certains de mes compatriotes français à la laïcité ne laisse de me surprendre. Et quand un phénomène me surprend, j’essaie de comprendre. Oui, j’essaie de comprendre comment on a pu en arriver à ce culte – si outrancier parfois qu’il en frôle le fanatisme – de la laïcité dans une république censée être neutre religieusement parlant.

Il me semble que la laïcité a bon dos et qu’elle n’est en fait que le voile de respectabilité dans lequel se drapent et ceux qui, suite aux attentats et au climat anxiogène ambiant, cèdent plus ou moins consciemment à la tentation de l’amalgame, et ceux qui sous couvert d’empathie envers les premiers, invités à se ranger à leurs côtés sous la bannière de la défense de l’identité et des racines chrétiennes de la France, cherchent avant tout à faire progresser leurs pions sur l’échiquier politique de la prochaine présidentielle.
Ils présentent l’identité, dont ils se font les chantres, comme une donnée immuable dont on hériterait telle quelle à la naissance. Pour qui nous prennent et se prennent-ils en faisant mine d’ignorer que l’identité est un processus et à ce titre, éminemment dynamique. Elle se construit, se modifie tout au long de l’existence en fonction de l’environnement social dans lequel l’individu évolue, des relations qu’il établit/entretient ou pas avec autrui, etc. Comme le disait le philosophe Héraclite d’Ephèse : « … on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. ».
Quant aux racines chrétiennes de la France, je m’étonne de leur omniprésence dans le discours de ces hommes et femmes politiques qui font là encore mine d’ignorer que ce ne sont pas les seules. Préoccupant de la part de personnes qui aspirent à présider aux destinées non des seuls chrétiens mais de tous les Français !

* cité par le Huffington Post du 18 août 2016