La France et ses châteaux… d’eau

Château deau CSSLorsque je me rends dans ma commune d’origine et qu’au terme du voyage, elle se profile à l’horizon, je me surprends chaque fois à vérifier des yeux que les maisons, les usines désaffectées, les hangars, les enseignes publicitaires… dont la présence me confirme que je suis bien en pays de connaissance, sont toujours là. Or, en août dernier, ce scénario, que je croyais immuable, a été interrompu par l’irruption dans mon champ de vision d’un château d’eau que j’ai eu l’impression totalement perturbante de n’avoir jamais vu auparavant. Rationalité oblige – il ne m’a pas échappé que la construction de ces équipements n’étaient plus vraiment à l’ordre du jour –, j’ai néanmoins fini par le remettre, éprouvant un profond soulagement à voir à nouveau coïncider la réalité de ma bonne vieille bourgade et l’image que je garde d’elle.

Châteaux deau Bernd und Hilla BecherJ’aurais sans aucun doute très vite oublié cet épisode si je ne m’étais rendu compte les jours suivants que mon regard était irrésistiblement attiré par tous les châteaux d’eau qui croisaient ma route. Et il en alla ainsi pendant les trois semaines de mon séjour aux confins de la Bourgogne et de la Champagne. Imaginez un instant que je les ai tous photographiés, je serais rentrée à Munich avec suffisamment de clichés pour organiser, pourquoi pas, une exposition à l’Institut français ou élaborer une typologie à la manière de Bernd et Hilla Becher. Ces deux photographes allemands de l’Ecole dite de Düsseldorf sont connus pour avoir immortalisé à partir des années 1950 des bâtiments et autres équipements industriels tels que des silos, des gazomètres, des tours de refroidissement, des hauts fourneaux et des… châteaux d’eau. Leur démarche, qui consistait à « isoler le motif » pour « [émanciper] l’objet par rapport à l’environnement auquel il est attaché par sa fonction »1, avait pour effet de « guider notre regard vers quelque chose qu’en tout état de cause, nous ne percevons pas »1. Au moment où j’avais à résoudre un problème de châteaux d’eau, il n’y avait rien d’étonnant à ce que le projet artistique du couple Becher me soit revenu à l’esprit.

Constater que je percevais ma région d’origine avec l’œil d’artistes de ce calibre avait de quoi flatter mon ego volontiers surdimensionné, mais de là à me lancer dans une carrière de photographe, il y a un pas que je me garderai d’autant plus de franchir que le regard que je porte sur la France n’est pas celui d’une artiste mais celui d’une Française expatriée en Allemagne depuis plus de trente ans. Plus de trente années qui m’ont vue me familiariser avec la culture allemande et la laisser, de fort bonne grâce d’ailleurs, gagner de plus en plus de terrain dans ma vie. Dans le même temps – phénomène analogue à celui des vases communicants ? –, je prenais du recul par rapport à la culture française, tellement de recul2 que j’en suis aujourd’hui à "découvrir" des comportements, des gestes, des habitudes, des éléments du quotidien… qui ont pourtant été miens durant un quart de siècle !

Château deau MontliotCet été, ce furent donc les châteaux d’eau qui, de fait, se font plutôt discrets dans mon environnement actuel. Et pour cause : l’Allemagne, qui leur a préféré les réservoirs semi-enterrés, n’en posséderait que 2 000 contre 16 000 pour la France. Et la Haute-Bavière, où je réside, a dû quant à elle faire l’économie de bon nombre d’entre eux grâce aux Alpes. Et cela, pour le plus grand bonheur de nos yeux, car entre une montagne et un château d’eau – même s’il peut faire penser à un bouchon de crémant (de Bourgogne !) ou s’il est rehaussé par une fresque – il n’y a vraiment pas photo…

1 Source : Objectivités – La photographie à Düsseldorf, catalogue de l’exposition éponyme (4 octobre 2008 – 4 janvier 2009, MAM de la Ville de Paris), Schirmer/Mosel Verlag, Munich, 2008

2 Recul encore accru par le confinement et l’impossibilité totalement inédite de se rendre dans l’Hexagone

Marie-Odile Buchschmid
Birkenweg 14
82291 Mammendorf

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