Entre Bourgogne et Champagne

Vue vignesBourguignonne  – et fière de l’être, forcément – je n’ai cependant pas à creuser bien profondément le terreau familial pour buter sur des racines provenant d’autres régions. Parmi celles-ci, la Champagne où vit aujourd’hui encore toute une partie de ma parentèle. Nous nous croisons ici et là, lorsque l’un d’entre nous a tiré sa révérence généralement, un enterrement étant souvent l’occasion de réactualiser la chronique familiale voire de renouer des liens.

A la fin du mois d’août, j’ai pris des nouvelles de l’une de mes cousines, viticultrice sur la Côte des Bars, lui demandant si les vendanges, particulièrement précoces cette année, se passaient bien. Et ne voilà-t-il pas qu’elle me répond : « Les vendanges sont finies, on a tué le chien hier soir ! ». Sa réponse m’a quelque peu déconcertée, non que la vision de ma cousine armée d’un merlin1 et s’apprêtant à faire passer le meilleur ami de l’homme de vie à trépas m’ait traversé l’esprit – elle ne ferait pas de mal à une mouche… Non, ce qui m’a surprise, c’est de me retrouver confrontée, moi la spécialiste (autoproclamée) des expressions idiomatiques/imagées2, à une expression que je ne connaissais pas.

 

Collage VendangesJe me suis bien évidemment mise aussitôt sur la piste de sa signification et de son origine. Vu le contexte de l’échange, j’étais sûre et certaine, que "tuer le chien" avait un rapport avec la viticulture et plus précisément avec les vendanges. Internet soit loué, j’ai rapidement découvert que "le chien" ou "le tue-chien" désigne le repas (généralement bien arrosé) que le viticulteur offre à la fin des vendanges à tous ceux qui lui ont donné la main pour récolter son raisin3.

Mais que vient faire le chien dans cette histoire ? Quelque rigoureuse que soit ma démarche, elle n’a rien d’une science exacte. Et les explications auxquelles ont abouti mes recherches – entre autres : le chien incarnation de l’esprit des céréales, esprit dont la récolte représente la capture ; le chien du patron cuisiné en ragoût servi aux vendangeurs ou bien envoyé ad patres pour inciter ce dernier à desserrer un peu plus encore les cordons de sa bourse… –  sont de fait plus farfelues que plausibles. Celle que j’ai finalement retenue, ne bénéficie pas davantage d’une certification d’origine mais présente du moins l’intérêt de reposer sur des éléments avérés. Elle me paraît en tout cas valoir le détour qu’elle nous fait faire par l’origine du mot "canicule".

La canicule désigne, comme chacun sait, une période de forte chaleur. Mais pas seulement. Canicule vient de l’italien canicula qui est aussi l’autre nom de l’étoile Sirius qui entre le 22 juillet et le 23 août, moment de l’année où il fait souvent le plus chaud, se lève et se couche avec le soleil. Là où ça devient franchement intéressant, c’est que d’une part canicula (du latin canis + suffixe diminutif -ulus,a,um) signifie "petite… chienne" et que d’autre part Sirius est l’étoile la plus brillante de la constellation du Grand… Chien. Archimède criait « Eurêka ! » pour moins que ça. De là à voir un lien de cause à effet entre le fait que les vendanges se font quand il fait beau et chaud et que lorsqu’elles sont terminées, c’est un peu comme si on avait triomphé de la canicule ou du chien donc, il n’y a qu’un pas que le bon sens populaire n’a pas mis longtemps à franchir et que je lui emboîte volontiers.

Je ne résiste pas à l’envie de clore cette brillante investigation de la formule rituelle dont nous concluions au lycée les démonstrations mathématiques : quod erat demonstrandum (Ce Qu’il Fallait Démontrer) !

Et si d’aventure, vous passiez par Bar-sur-Aube, petite commune à laquelle la Barstraße de Munich doit son nom, arrêtez-vous au Domaine Urbain que je remercie de m’avoir autorisée à utiliser les photos qui illustrent cette chronique.

 

1 Masse dont on se servait encore dans mon enfance afin d’assommer un animal avant de le saigner

2 Suite à l’écriture d’un livre sur le sujet, Bessersprecher Französisch

3 En Bourgogne, ces agapes s’appellent la "paulée" – la plus médiatisée étant celle de Meursault – et je recommande à tous ceux qui souhaiteraient voir à quoi cela ressemble de regarder le très beau film de Cédric Klapisch intitulé Ce qui nous lie ou de (re)lire le récit d’Henri Vincenot intitulé La Paulée, in Récits des friches et des bois, éd. Anne Carrière, 1997.

Marie-Odile Buchschmid
Birkenweg 14
82291 Mammendorf

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