Dis-moi ce que et comment tu achètes et je te dirai qui tu es !

Dernièrement, j’ai laissé tomber ma carafe à café isotherme qui n’a malheureusement pas survécu à sa rencontre fracassante avec le sol de ma cuisine. La décision de remplacer cette fidèle alliée dans ma lutte quotidienne pour réduire mon empreinte carbone – en m’évitant de faire sans cesse réchauffer du café – s’imposant d’elle-même, j’ai mis le cap sur un grand magasin munichois aux faux airs de Galeries Lafayette.

department store 1192100 1920Parvenue à l’étage idoine, je m’attendais à trouver un rayon présentant tous les récipients isothermes de la création et me permettant de comparer leurs caractéristiques en un minimum de temps. C’était compter…

sans le concepteur de ce Living Etage qui, ayant regroupé les produits par marques, avait prévu de me faire passer du stand d’une marque à celui d’une autre comme on fait découvrir successivement à des touristes les îlots d’un archipel lors de l’excursion en bateau comprise dans le séjour all inclusive qu’ils ont acheté sur le site Internet d’un voyagiste low cost. Manque de chance : s’il y a bien une chose que je déteste, c’est justement qu’on me mène en bateau !

C’est alors que la "conseillère de vente", que l’on veillera à ne pas qualifier de vendeuse, est entrée en scène. Elle s’est d’abord enquise de l’objet de ma quête me confirmant, une fois que je le lui eus nommé, qu’il n’y avait pas de rayon "Carafes à café isothermes"… pour la bonne raison que « nos clients s’orientent en fonction des marques ! » Il fut un temps où j’aurais jugée cette phrase, assénée qui plus est de façon péremptoire, discriminante et aurais eu l’impression d’être injustement refoulée à l’entrée de ce Living Etage uniquement parce que la conseillère de vente ne me jugeait pas digne de faire partie du cercle très sélect de "ses" clients.

IMG 2376Mais il se trouve que ma route a croisé un jour celle du sociologue de la consommation Patrice Duchemin (cf. Fille de pub) et que j’ai alors compris que la relation entre les marques et leurs clients ne se résumait pas (ou plus) à la domination de ceux-ci par celles-là, mais qu’elle était moins manichéenne, plus complexe et paradoxalement bien plus passionnante que je ne l’aurais imaginé. Au point que depuis, les épisodes analogues à celui que je viens de rapporter constituent pour moi autant d’occasions d’appréhender un peu mieux, à travers l’analyse de mon propre comportement de consommatrice, le monde dans lequel je vis.

Après s’être longtemps adressées à eux comme s’ils formaient une masse indifférenciée, les marques et autres enseignes ont fini par prendre la mesure de l’évolution des consommateurs. Plus exigeants et responsables – en ce qui concerne la provenance d’un produit, ses conditions de production, le respect de l’environnement, etc. –, ces derniers sont également moins fidèles, papillonnant volontiers d’une marque/d’une enseigne à l’autre. Dans Le Pouvoir des imaginaires1 (éditions Arkhê, 2018), Patrice Duchemin explique que « consommer va bien au-delà de la simple acquisition d’un bien ou d’un service en échange d’une somme d’argent. […] Qu’on le veuille ou non, ce que l’on achète nous définit en partie. Notre consommation porte nos aspirations, l’image que nous désirons refléter, autant que notre façon d’envisager le monde »2. Se basant sur ce qu’il a observé entre 2008 et 2018 pour l’Observatoire Cetelem, il passe en revue les cinq imaginaires qui structurent notre consommation.

Revisitant l’épisode, qui m’a inspiré cette chronique, à l’aune de son analyse, j’ai mieux compris la réaction de la conseillère de vente évoquée ci-avant dont l’employeur cible tout simplement un autre imaginaire que le mien. Cela étant et même si je n’ai rien acheté, ma déambulation dans l’univers de l’un de ces « "magasins miroirs" qui ont fait le choix de s’adresser à un public spécifique, ceux qui cultivent un même rapport esthétique au monde »3 n’aura pas été totalement vaine. Y étant entrée persuadée de savoir exactement ce que je voulais, j’ai perdu ma conviction en route et suis finalement ressortie en quête d’une carafe à café isotherme ressemblant à tout sauf à une carafe à café isotherme… histoire, dirait Patrice Duchemin, de « ré-enchanter [mon] quotidien »4 en commençant par les pauses café. Ce que je recherchais n’existant visiblement pas encore, j’ai finalement opté pour une carafe isotherme d’une couleur totalement surprenante pour un tel objet mais qui l’emporte sans conteste sur la grisaille de ce mois de novembre !

1 Présentation de l’ouvrage par l’auteur : https://youtu.be/Eimb5C1YeOU

2 op. cit., p. 26

3 op. cit., p. 165

4 cf. L’imaginaire du ré-enchantement, op. cit., p. 97 et suiv.

Marie-Odile Buchschmid
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82291 Mammendorf

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